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.:il|The Wisdom 👾🗿🧚🏼‍♂️|li:.

De la corruption de la parole Selon moi, une civilisation commence à mourir lorsque sa parole cesse de nommer le réel. L’euphémisme n’est pas une politesse : c’est une falsification. La coercition n’est pas un ordre : c’est l’aveu que le sens ne convainc plus. À court terme, l’euphémisme anesthésie. Il rend le mensonge habitable. Il permet de survivre sans voir. Mais ce qui n’est pas dit ne s’efface pas ; il s’accumule, se durcit, et revient sous forme de crise. À long terme, l’euphémisme détruit la capacité même de penser, car penser commence par appeler les choses par leur nom. La coercition, elle, fabrique du silence. Elle produit de l’obéissance, jamais de la compréhension. Une société qui contraint pour se maintenir reconnaît implicitement que sa parole est vide. Là où la force est nécessaire, le sens a déjà échoué. Ces deux mécanismes conduisent à la même perversion : la substitution du réel par la forme. Comme Pygmalion devant sa statue, les sociétés finissent par aimer leurs constructions plus que ce qu’elles prétendent représenter. Elles défendent le récit, l’image et le symbole, même lorsqu’ils contredisent l’expérience vécue. La fiction devient sacrée ; le réel devient obscène. Alors, dire vrai devient un acte hostile. Refuser l’euphémisme est perçu comme une violence. Résister à la coercition est assimilé à une menace. La parole droite n’est plus un outil de correction, mais un crime symbolique. Or aucune civilisation ne survit longtemps à cette inversion. Quand la vérité doit se cacher et que la force doit parler à sa place, l’effondrement n’est plus une hypothèse mais une trajectoire. On ne détruit pas une société en la contredisant, mais en l’empêchant de se corriger. Dire sans contraindre, nommer sans adoucir, n’est pas une vertu morale parmi d’autres. C’est la condition minimale de toute vie lucide — individuelle ou collective.

13-12-2025 12:17  par  Wingsort Sprlu 💼👤